Langues

Les langues parlées au Népal : diversité et identité nationale

Le Népal, situé entre l’Inde et la Chine, est un véritable carrefour linguistique. Ce petit pays himalayen abrite une richesse linguistique impressionnante, avec plus de 120 langues parlées selon le dernier recensement. Cette diversité est le reflet d’une mosaïque ethnique et culturelle unique en Asie du Sud.

Dans cet article, nous explorerons les principales langues du Népal, leur origine, leur usage quotidien, leur statut officiel, ainsi que leur rôle dans l’identité nationale et les enjeux politiques contemporains.

Le népali : langue officielle et véhiculaire

Le népali (ou népalais), langue indo-aryenne, est la langue officielle du Népal. C’est aussi la langue la plus parlée dans le pays. Selon les données de recensement, environ 44 à 50 % de la population l’utilise comme première langue.

Historiquement appelé Khas Kura, le népali s’est imposé comme langue nationale à partir du XVIIIe siècle, lorsque le roi Prithvi Narayan Shah unifie les royaumes de la vallée de Katmandou. Il devient la langue de l’administration, de l’armée et de l’éducation pendant la monarchie et continue aujourd’hui à dominer les sphères publiques et médiatiques.

Le népali utilise l’alphabet dévnagari, le même que celui de l’hindi et du sanskrit, et partage de nombreuses racines avec d’autres langues indo-aryennes.

Langues indigènes et autochtones du Népal

Outre le népali, le pays est peuplé de nombreuses communautés ethniques parlant leurs propres langues maternelles. Ces langues sont classées en deux grandes familles linguistiques : les langues indo-aryennes (comme le maithili ou le bhojpuri) et les langues tibéto-birmanes (comme le tamang, le gurung ou le sherpa).

Langues indo-aryennes régionales

  • Maithili : parlée surtout dans le Teraï oriental, elle est l’une des langues les plus anciennes du sous-continent indien et compte environ 11 % des locuteurs au Népal.
  • Bhojpuri : utilisée dans la région du Teraï central, elle est étroitement liée aux dialectes parlés dans le Bihar en Inde.
  • Awadhi et Tharu : parlées dans les zones rurales du Teraï occidental, souvent par des populations indigènes.

Langues tibéto-birmanes

  • Tamang : l’une des langues les plus parlées parmi les peuples de montagne, notamment autour de Katmandou.
  • Newar (ou Nepal Bhasa) : langue traditionnelle des habitants de la vallée de Katmandou. Elle possède une riche littérature écrite et orale.
  • Gurung et Magar : parlées dans les régions centrales et occidentales.
  • Sherpa : utilisée par la célèbre ethnie de guides de haute montagne dans les régions proches de l’Everest.

Chacune de ces langues est le vecteur d’une culture distincte, avec des expressions orales, musicales et religieuses propres.

Langues étrangères au Népal

Avec l’ouverture du pays au tourisme, à la migration et à la mondialisation, certaines langues étrangères ont également pris de l’importance :

  • Anglais : langue seconde très présente dans l’éducation supérieure, l’administration et le secteur du tourisme. Il est largement enseigné dans les écoles privées.
  • Hindi : compris et parfois parlé par les populations proches de la frontière indienne, notamment dans le Teraï.
  • Chinois (mandarin) : en expansion progressive en raison des liens économiques avec la Chine, notamment dans les zones frontalières du nord.

Statut juridique et reconnaissance des langues

La Constitution du Népal de 2015 reconnaît le népali comme langue officielle au niveau national, mais elle permet également aux provinces de désigner d’autres langues « de travail » selon la démographie locale.

En 2021, le gouvernement népalais a reconnu officiellement plus de 90 langues nationales, ce qui représente une avancée significative dans la reconnaissance des droits linguistiques des minorités. Cependant, dans la pratique, le népali reste dominant, notamment dans les services publics et l’éducation.

Défis liés à la diversité linguistique

La diversité linguistique du Népal est à la fois une richesse et un défi. De nombreuses langues locales sont en danger de disparition en raison de l’urbanisation, de la migration et de la pression du népali. L’UNESCO classe certaines langues népalaises comme vulnérables ou en voie d’extinction.

Des efforts sont faits pour documenter, enseigner et revitaliser ces langues, mais les ressources manquent souvent. De plus, l’absence de manuels scolaires et de matériel pédagogique dans les langues maternelles rend difficile l’accès équitable à l’éducation pour les enfants issus de groupes ethniques minoritaires.

Langues et identité nationale

Au-delà de la communication, la langue est un facteur central d’identité au Népal. Les revendications linguistiques sont souvent liées aux luttes pour la reconnaissance culturelle et politique. Certaines communautés réclament plus de droits linguistiques ou une représentation plus équitable dans les institutions publiques.

La constitution a tenté de répondre à ces attentes en reconnaissant le multilinguisme, mais le chemin vers une réelle égalité linguistique reste long.

Conclusion

Le Népal est un exemple fascinant de diversité linguistique en Asie. Du népali aux langues tibéto-birmanes en passant par le maithili ou le newar, chaque langue joue un rôle important dans la mosaïque culturelle du pays. Protéger et promouvoir ces langues n’est pas seulement un enjeu culturel, mais aussi un impératif pour une société inclusive et équitable.

Face aux défis contemporains, le Népal devra continuer à renforcer les politiques de valorisation linguistique tout en garantissant un accès équitable aux services publics, à l’éducation et à la participation démocratique pour tous, quelle que soit leur langue maternelle.